Ostéogenèse imparfaite : mère et fille face à la maladie des os de verre
L’ostéogenèse imparfaite (OI) est un groupe de maladies génétiques rares, dont les principales manifestations sont osseuses.
Les personnes atteintes de ces pathologies se cassent facilement les os, à la suite d’un traumatisme léger ou sans cause apparente. Ute et sa mère Ingeborg souffrent de la forme la plus légère de la maladie, l’OI de type I. Toutes deux ont connu les fractures à répétition, la douleur, les hospitalisations. Mais 27 ans séparent les deux femmes, qui ont une expérience de l’OI assez différente l’une de l’autre.
1936, Prague, République tchèque. La petite Ingeborg Wallentin a visiblement mal : elle crie tout le temps. Son fémur est fracturé, sa sclérotique, c’est-à-dire le blanc de l’œil, est bleue ; on pose sur cette enfant prématurée le diagnostic d’ostéogenèse imparfaite. Elle n’a que dix jours, les médecins pensent qu’elle ne survivra pas. Ses parents, effondrés, la ramènent à la maison pour qu’elle y meure. Les patients atteints de maladies rares ont toujours dû se battre pour être reconnus, mais en 1936 l’information n’existait tout simplement pas, et Ingeborg a déjà eu de la chance d’être bien diagnostiquée. Ses parents savaient en tout cas une chose : le syndrome s’appelait « maladie des os de verre », ce qui en disait long. Moins elle aurait de fractures et mieux elle se porterait. Ingeborg est toujours en vie : « Mes parents m’ont entourée de leur amour, et j’ai survécu », explique-t-elle aujourd’hui, à 74 ans.
1962, Allemagne. Ute a un peu plus d’un an. Elle commence à marcher, puis vient sa première fracture. Après une série de traumatismes, le diagnostic tombe : maladie des os de verre. Sa mère réalise soudain qu’elle a transmis sa maladie à sa fille. « J’ignorais que l’OI pouvait être héréditaire. Mes parents n’en étaient pas atteints, et personne ne nous avait informés. Je me suis sentie affreusement coupable, j’étais très malheureuse », se souvient Ingeborg. Ute évoque le diagnostic avec plus d’humour : « Ma mère était enceinte de mon frère quand j’ai été diagnostiquée. Heureusement qu’elle ne savait pas que l’OI est héréditaire, sinon ni lui ni moi ne serions nés ! »
Bien qu’Ingeborg ait toujours vécu avec la culpabilité d’avoir transmis l’OI à sa fille (son fils n’en est pas atteint), Ute estime qu’elle a été « mieux protégée » parce que sa mère avait la même maladie qu’elle. « Ma mère a toujours été extrêmement attentive et très protectrice. Chaque fois que j’avais une fracture, que j’avais mal ou étais hospitalisée, elle se sentait responsable de ma souffrance et faisait tout pour que je me sente mieux ! »
L’école (sans les cours de sport bien sûr) s’est toujours bien passée pour Ute comme pour sa mère. Mais Ute se rappelle s’être sentie seule. « J’ai eu une enfance très heureuse en famille et avec mes amis, j’en ai des souvenirs merveilleux. Mais rétrospectivement je sais que je me sentais assez seule, parfois même isolée par ma ‘différence’. Je ne pouvais pas faire les mêmes choses que les autres, je devais être prudente et mes parents ou les autres adultes m’entouraient de précautions. Mes parents faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour que j’aie autant d’activités ordinaires que possible, mais parfois je me sentais exclue de la ‘vie normale’. » Pourtant, Ute avait une petite compensation : « Je faisais ce que je voulais de mon frère, je le manipulais constamment, et comme j’étais malade il ne pouvait pas se venger. J’ai parfois dû être une sœur exécrable ! »
Ute Wallentin a maintenant 47 ans et préside la fédération européenne dédiée à l’ostéogenèse imparfaite, l’OIFE. Elle travaille à temps partiel comme assistante sociale auprès des immigrés de Bamberg. Ce sont ses souvenirs de solitude dans l’enfance qui l’ont poussée à s’investir auprès de la communauté des patients atteints d’OI : « J’avais envie de rencontrer d’autres personnes atteintes d’OI et de connaître leur vie et leur expérience de la maladie. Nous en sommes les vrais spécialistes, et nous avons la chance de pouvoir associer nos efforts à ceux de nombreux professionnels de santé très dévoués. » L’OIFE compte actuellement 23 membres, 17 en Europe, les autres en Australie, en Équateur, au Mexique, au Pérou, en Géorgie et aux États-Unis. « J’espère que les conditions de vie des personnes atteintes de cette maladie rare si spéciale et souvent méconnue s’amélioreront partout dans le monde et que nous pourrons mieux nous entraider à l’avenir. J’aurais beaucoup de mal à souhaiter que l’OI et d’autres handicaps disparaissent complètement. Mon but n’est pas de combattre la maladie, mais de bien vivre avec elle. »
Ingeborg estime que l’ostéogenèse imparfaite n’a pas beaucoup affecté sa vie d’adulte. Elle a trouvé du travail, s’est mariée, a donné naissance à deux enfants, a trouvé de l’aide autour d’elle quand c’était nécessaire. Elle a une famille et des amis qui l’aiment. Après tout, elle est peut-être un bon exemple de ce que sa fille cherche à offrir à tous les patients atteints de maladies rares : une belle vie.
Visionnez l’entretien avec Ute Wallentin:
Visionnez un entretien avec Jacky Goineau (Association OI France) en français:
Cet article a été publié une première fois dans l’édition de juillet 2010 de la newsletter d’EURORDIS.
Auteur : Nathacha Appanah
Traducteur : Trado Verso
Photos: © Ute Wallentin & OIFE