Le syndrome de Marfan ou la maladie silencieuse
Enfant, Véronique Vrinds n’était pas seulement plus grande que ses camarades, elle était aussi un peu plus maladroite et beaucoup plus sujette aux entorses.
En grandissant, elle a développé des douleurs dans le dos, un thorax plus grand que la normale et elle a commencé à se fatiguer rapidement. « Comme ma mère avait les mêmes problèmes de santé que moi, nous les avons mis sur le compte de notre grande taille et nous avons appris à vivre avec », confie Véronique Vrinds, qui est aujourd’hui mère de deux enfants et vit en Belgique.
En juin 2001, elle a emmené son fils Joe alors âgé de 3 ans chez un cardiologue, qui a constaté un élargissement de l’aorte, un des symptômes du syndrome de Marfan. « Le cardiologue m’a vivement conseillé de consulter un généticien car le syndrome de Marfan peut être héréditaire, mais je refusais de croire que j’étais atteinte d’une maladie rare. Jusque-là, j’avais mené une vie normale ou presque. J’avais sûrement trop peur de découvrir que les craintes du cardiologue étaient fondées », confie Véronique. Un an plus tard, les médecins avaient confirmé que son fils Joe, sa mère et elle-même étaient tous trois atteints du syndrome de Marfan.
Le syndrome de Marfan est une maladie du tissu conjonctif. Ce dernier a pour fonction de maintenir toutes les parties du corps entre elles et de participer au contrôle de la croissance. Le tissu conjonctif étant présent dans tout le corps, les caractéristiques de la maladie peuvent se manifester à différents niveaux. Le plus souvent, le syndrome affecte le cœur, les vaisseaux sanguins, les os, les articulations et les yeux. Il arrive parfois que les poumons et la peau soient également touchés. Le syndrome de Marfan, qui concerne environ 1 personne sur 5 000, est souvent héréditaire. Toutefois, entre 25 et 30 % des patients atteints de cette maladie n’ont aucun antécédent familial et plusieurs milliers de personnes ignorent même qu’elles sont malades.
En 2004, Véronique Vrinds a consulté un cardiologue car elle ressentait une fatigue extrême. Celui-ci a constaté que son aorte s’était élargie : elle mesurait 55 mm alors que le seuil critique est de 50 mm. Véronique a alors subi une intervention cardiaque dans le mois. « Cette opération a été une prise de conscience brutale. J’ai réalisé que j’étais atteinte d’une maladie grave que je ne pouvais pas simplement mettre de côté. J’ai alors commencé à rechercher d’autres personnes atteintes du syndrome de Marfan qui avaient été opérées. J’ai fini par tomber sur le forum de l’Association Belge du Syndrome de Marfan », se souvient Véronique. Cette association a été créée en 1999 par Yvonne Jousten, après que le syndrome de Marfan a été diagnostiqué sur son fils. Véronique a assisté à une première réunion et, deux ans plus tard, elle devenait la secrétaire de l’association. « J’avais besoin d’aider les personnes qui, comme moi, mon fils et ma mère vivaient avec le syndrome de Marfan. Mais je sais que j’ai eu beaucoup de chance que ma maladie soit diagnostiquée à temps, ce qui est loin d’être toujours le cas. Beaucoup de personnes ignorent tout bonnement qu’ils sont atteints du syndrome. C’est pourquoi l’association s’est donné pour mission de sensibiliser le public sur cette maladie rare. »
Maelle Pérez est conseillère sociale et collabore avec la Fondation Marfan Suisse. Elle n’est pas atteinte du syndrome, mais elle en avait entendu parler avant même de commencer à travailler pour la fondation. « À 18 ans, j’ai eu des problèmes cardiaques. Comme j’étais grande et maigre, les médecins ont pensé au syndrome de Marfan pendant quelque temps avant de rejeter cette hypothèse », se souvient Maelle.
La Fondation Marfan Suisse a été créée en 1987 par Sylvia Weiss et Gerhard Zumstein après le décès de leur fils de 15 ans des suites d’une dissection aortique. Malgré les symptômes visibles de la maladie et les nombreux problèmes de santé qu’il rencontrait au quotidien, le syndrome de Marfan n’a été diagnostiqué que quelques mois avant sa mort. À cette époque, rien n’existait en Suisse pour les personnes atteintes de cette maladie, qui était totalement inconnue. « C’est cette perte tragique qui a poussé Sylvia Weiss et Gerhard Zumstein à agir pour essayer d’épargner cette épreuve aux autres. Au début, ils ont fait tellement de bruit que la presse locale a affirmé que “l’hystérie” de Marfan avait gagné la région », se souvient Maelle Pérez. « Dès le début, l’objectif de la fondation a été de mettre en contact les malades et leur famille avec des scientifiques, des médecins et des spécialistes, pour leur apporter aide et soutien. Le Conseil de la Fondation Marfan Suisse, composé de patients, de quatre médecins, d’un expert en communication et d’un avocat, illustre parfaitement cette vision. Depuis toujours, la fondation se bat pour assurer un traitement et des soins médicaux spécialisés, ainsi qu’un soutien et un service de conseil efficaces aux personnes relativement peu nombreuses (environ 750) qui sont touchées par cette maladie complexe en Suisse. »
La Fondation Marfan Suisse a célébré son 20e anniversaire en 2007 tandis que l’Association Belge du Syndrome de Marfan a fêté ses 10 ans le 1er juin 2009. Pendant toutes ces années, le mot d’ordre des deux associations n’a pas changé : aider les patients et faire connaître cette maladie silencieuse et pourtant terrible.
Cet article a été publié une première fois dans l’édition de juillet 2009 de la newsletter d’EURORDIS.
Auteur : Nathacha Appanah
Traducteur : Trado Verso
Photos: Véronique Vrinds & logo © [L’ Association Belge du Syndrome de Marfan (ABSM) ->http://www.marfan.be/] ; Maelle Pérez © Marfan Stiftung Schweiz